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Léa,
J’ai entendu dire que les soirs de pleine lune, par vent d’Est, dans la vallée des rocs (Monument Valley), l’on pouvait voir danser entre les mesas, pinacles et flèches, les Grands chefs Navajo disparus. J’étais présent le soir du 14 Novembre, j’ai assisté au lever de la lune séculaire. Mais, à mon grand regret, malgré son exceptionnelle proximité avec la terre, je n’ai rien vu. A cet instant, j’ai compris que Monument Valley ne se dévoilerait pas au premier venu et que les géants de gré aux pieds d’argile, gardiens de son âme, m’obligeraient à me contenter de ce qu’ils m’offraient. C’était déjà beaucoup. Avec plus de temps peut-être m’aurait-on accepté ? Rien n’est certain ?
N’ayant pu voir danser Manuelito (1818-1893), Narbona (1766-1849), Sarcillos Largos, Sadoval…j’ai essayé dans mes modestes paysages de retrouver l’atmosphère du photographe américain Edward S Curtis : « l’attrapeur d’ombres » (1868-1952) qui, lui, encouragé par le Président Théodore Roosevelt, avec sa chambre photographique et ses plaques de verre, a photographié Vash Gon, Hastobiga, Nesjàja Hatàli et tant d’autres figures du peuple Navajo.
Dans le passé, Curtis et Irving Penn (1917-2009) m’ont fortement inspiré pour réaliser ‘’ Mze Regards d’Afrique’’ éditions Jean Pierre de Monza. Un document photographique sur trois ethnies du nord Kenya (Rendille, Samburu, Turkana), désormais épuisé en librairie.
Léa, quand dans la précédente lettre je te disais que j’allais remettre mes pas dans ceux de ma jeunesse, je faisais bien entendu allusion aux westerns, tournés en ces lieux qui, au Colombia, plus communément appelé à Colombes le petit cinéma, agrémentaient mes jeudis et samedis après-midi. A ce sujet, je dois t’avouer qu’entre les chevauchées fantastiques, les attaques de diligences, les coups de feu à répétitions, les indiens emplumés aux visages bariolés, que dans l’obscurité de la projection, les derniers sièges de velours pourpre de la salle furent, pour un grand nombre d’entre nous, les témoins de nos premiers baisés. Que John Ford, Claire Trevor, John Wayne, Walter Brennan, Ward Bond, Henry Fonda, Shirley Temple, et tant d’autres, dans ce ciel d’étoiles nous pardonnent.
Pour racheter nos péchés, au non de tous, je terminerais cette lettre par l’extrait d’un poème Navajo.
« Avec la beauté devant moi je marcherai Avec la beauté derrière moi je marcherai Avec la beauté au-dessus de moi je marcherai Avec la beauté tout autour de moi je marcherai Dans mes vieux jours, sur une piste de beauté, d’un pas vif, je marcherai, Dans mes vieux jours, sur une piste de beauté, rempli d’une vie nouvelle, je marcherai, »
P.S. Un jour viendra, où moi aussi, rempli de cette vie nouvelle, je marcherai sur une piste de beauté.
Très beaux paysages magnifiés par le développement qui nous emporte vers les débuts du siècle dernier. Ambiance de fin d’un monde….
Tout simplement magnifique.
Merci de me faire rêver papa, à défaut d’avoir ton talent de photographe.
Bises
Chère Léa, Cher Daniel, sans mauvais jeu de mots, déjà là tu nous fais marcher et toi aussi, tu n’as pas à attendre « la suite » pour marcher, entendant par là « participer », « vivre », « profiter » de cette beauté, de cette perception de ces merveilles.
Marchez donc, marchons, avec enthousiasme et jeunesse (celle de la tête et du coeur essentiellement) !
Merci !
Philippe
Superbes photos en noir et blanc (en tout cas le daltonien que je suis les vois comme telles). Sur plaque de verre, Curtis aurait été ressucité.
Tout ici reflète le beau, le brut et l’infiniment grand !
Stéphane
Ah Daniel,
que serions-nous sans ton regard exceptionnel! C’est certainement l’une des plus belles séries que tu as jamais produites. C’est intemporel, inclassable et surtout très beau. Que de douceur et de magie dans tes photos. Cela fait des années que je photographie Monument Valley et je n’ai toujours pas fait l’editing. Je crois que grâce à toi, je sais comment je vais faire. Ce billet est une vraie source d’inspiration.
Je me souviens encore parfaitement de tous ces moments que nous avons partagé ensemble dans cette vallée à l’écart de tout. Je frémis et je te revoie encore comme un gamin en train de courir après tes arbres morts. C’était génial.
Une fois de plus tu me bluffes. C’est du très grand Fauchon. Tu es au sommet.
Merci.
Amar