Léa
Le Maroc… et oui… encore le Maroc me diras-tu… Je sais… Cela va faire 38 ans que je traîne mes savates sur cette terre africaine. La première fois que je m’y suis rendu c’était en 1977. A cette époque, Marrakech, fondée en 1071 par Youssef Ibn Tachfin, était encore Marrakech. Marrakech a bien changé et a perdu son parfum d’antan. Quand la place Jemaa el Fna était la place Jemaa el Fna et le Gueliz le Guéliz j’ai aimé Marrakech. C’était hier. Pour être honnête, Marrakech m’a surtout servi de base pour me rendre dans les oasis présahariens, là, où les hommes du désert aux caravanes chargées de trésors venaient commercer.
Avec le temps je n’ai pas changé mes habitudes. Une fois de plus, de bon matin, j’ai franchi le Haut-Atlas par le Tizi-n-Test, côtoyé la plaine du Sous et ses arganiers, traversé l’Anti-Atlas par les territoires des Ida ou Nadif et Ida ou Kensous, où, sur ma route, à un puits, après plusieurs heures sans avoir rencontré âme qui vive, dans un environnement cent pour cent minéral j’ai croisé un berger et son troupeau. Cela existe encore. Chèvres et moutons étaient bien maigres. L’Homme de la tribu des Ida ou Kensous, bien que ne parlant que le berbère, m’a fait comprendre que l’eau de son puits, saumâtre, excellente pour les animaux, posait quelques problèmes à ses intestins. Ici ce n’est pas l’Asie. Tout se négocie. En échange de quelques modestes images je lui ai donc laissé plusieurs bouteilles d’eau, un pain d’orge et une boîte de sardines achetées la veille dans la capitale des Almoravide.
A Igherm, avant de m’engager sur l’ancienne piste de Tata via Tagmoute, je me suis posé pour un tagine de mouton, dans un lieu pompeusement appelé restaurant. Le plat de terre dans lequel avaient mijoté quelques os accompagnés d’un peu de viande était fort culotté. On pouvait y lire, ligne par ligne, le résumé de sa longue existence, ainsi qu’un concentré de mes voyages.
Frugalement restauré j’ai pris cette piste ou par le passé j’ai laissé quelques kilos de sueur, cinq ou six pneus et même une lame de ressort. Aujourd’hui, même si la pierre sujette à mes malheurs a été remplacée par un cordon d’asphalte noir, rejoindre les oasis du Bani se mérite toujours autant. Pour y venir il faut vraiment le vouloir. Parfois, au bout du chemin, se trouve l’ultime récompense.
Juste avant que le soleil ne se perde à l’horizon, que la terre allonge ses ombres et se pare de pourpre, pour la première fois depuis toutes ces années, j’ai eu le privilège de joindre mes pas à ceux du paléolithique. Ce n’est peut-être qu’un tas de cailloux dans un environnement désertique, abandonné par les Hommes. Mais, il y a plus de trois millions d’années, d’autres hommes, pas si différents que cela de nous, ont laissé taillé dans la roche l’empreinte de leur présence.
Devant ces gravures, armé de mon appareil photo numérique je me suis vraiment senti ridicule, tout petit. Malheureusement, ce que le temps, le soleil, le sable, le vent n’a pu détruire, ce témoignage du passé, ce trésor de l’humanité, par la cupidité et l’imbécilité de quelques individus sans scrupule est de plus en plus menacé. Voila, c’est aussi ça le Bani; une terre d’histoire, à la végétation rabougrie, balayée par le vent, qui dans un lointain passé fut peut-être plus riche, plus verdoyante que nos plus belles prairies de Normandie.
P.S.
Si les premiers matins, l’appel du muezzin a interrompu mon sommeil, très vite il s’est fait oublier et a appartenu à mes rêves.
Beau texte, qui fait réfléchir, un peu nostalgique. Je l’aime aussi ce Maroc,malheureusement je n’ai pas eu la chance de le découvrir seule. Les marocains n’ont pas la même attitude devant un groupe c’est humain.Moi même je me comporte différemment si je vois arriver une personne ou plusieurs. En tout cas ton texte reflète bien ton amour pour ce pays, les photos ne sont pas mal non plus. mais si Daniel des photos sont magnifiques.J’espère que tu liras ce commentaires avant ton départ : bonnes vacances. je t’embrasse