Léa
Une fois de plus, pour la période du brame, j’ai rejoint en Charente-Maritime quelques amis photographes.
La photographie européenne des animaux sauvages demande beaucoup d’humilité et nécessite un long travail d’approche ainsi qu’une bonne connaissance du terrain. Si la chance, dans nos réussites, nous est nécessaire, rien n’est dû au hasard.
Afin de pouvoir anticiper les réactions de l’animal face à notre incursion sur son territoire, tout doit être, en amont, minutieusement réfléchi. Nous devons apprendre à le connaître et surtout à l’aimer. Chassé, craintif par nature, notre stature de bipède représente à ses yeux un réel danger, d’où, l’absolue nécessité de nous fondre dans son environnement, de nous effacer, de ne faire plus qu’un avec la fougère, le genêt, l’ajonc, l’herbe haute, le tronc d’un chêne, d’un marronnier, d’une haie. Malheureusement, quelle que soit la complexité de notre tenue, rien n’est gagné. Dans notre approche, il faut aussi tenir compte de l’orientation du vent, de la position du soleil, éléments incontournables, souvent incompatibles avec la composition et la qualité de l’image souhaitée. Si, face à l’astre solaire, la vue du cerf a tendance à se brouiller, son odorat reste infaillible. Et, bien avant que nous l’ayons aperçu, si nécessaire, il exécutera un repli stratégique.
Sur un terrain fait de bosquets, de vallons, de forêts, de prairies et d’étangs, il nous faut parfois beaucoup marcher, nous accroupir, ramper et être patients, pour approcher à les tutoyer ces seigneurs de nos régions. Mais, au-delà de la photographie, quelle émotion, quelle montée d’adrénaline, quand l’homme et la bête, dans un regard croisé, le temps d’une fraction de seconde, se jaugent et se défient.
Bien qu’il me reste beaucoup à apprendre, pour ma troisième saison, riche des enseignements précédents, j’ai pu vivre quelques uns de ces instants merveilleux.
Le jour n’est pas encore levé, les brames s’intensifient. Pour profiter au maximum des brumes matinales et des premiers rayons du soleil, dans le froid et l’humidité, simplement guidé par le son rauque de l’animal, protégé par l’obscurité, à tâtons, je prends possession de son territoire. Sera-t-il au rendez-vous, acceptera-t-il notre échange ? En cette matinée d’octobre, j’espère en ma bonne étoile.
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