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Léa
Le gnou est un animal pouvant passer pour être gauche sur lequel je confesse avoir beaucoup plaisanté. Certains mauvais esprits masaïs disent que quand Dieu créa les animaux de la brousse, arrivé au gnou, il n’avait plus rien dans sa besace. Dieu étant Dieu, toujours avide d’une nouvelle création il emprunta au phacochère la tête, au buffle le cou, les rayures au zèbre et à la girafe la queue. Rendons à César ce qui est à César, le moins que l’on puisse dire c’est que le créateur, ce jour-là, ne s’était pas mis la rate au court-bouillon. Que n’en déplaise, cet étrange patchwork m’a offert quelques-unes de mes images les plus spectaculaires. Voire, pour certaines, créatives.
Toutes ses images ont été réalisées un matin de juin à masaï mara.
Dans l’espoir de photographier en contrejour une girafe sur fond de soleil naissant mes camarades et moi nous nous étions levés bien avant l’aube. Pendant que dans la rivière mara les hippopotames n’en finissaient pas de grogner, annonçant une chaude journée, le roi soleil fit enfin son apparition. N’ayant certainement pas pris le bon métro la girafe tant espérée ne fut pas au rendez-vous. Déçus par ce loupé, poursuivant, les épaules tombantes, notre chemin nous fumes interpellés par un bruit sourd, à peine audible, semblant sortir des entrailles de la terre. Arrêtant son moteur, tendant l’oreille, « Crossing » s’exclamât Abou notre chauffeur pisteur et, « pas des moindres mes seigneurs » (je le précise pour ceux qui ne le connaisse pas, Abu est francophone). Ni une, ni deux, remettant les gazes et bravant la poussière, nous nous dirigeâmes, ventre à terre, vers le lieu présumé du passage. Mon cœur battait la chamade. J’allais assister à une des choses les plus époustouflantes de la vie sauvage. J’étais comme un enfant à qui l’on venait de dire qu’il allait rencontrer le père Noel.
Plus nous approchions, plus le bruit sourd à peine audible du début devint vacarme. Soudain, devant nous, dans une sorte de mascaret ondulant, apparurent plusieurs milliers de gnous, ronflants et beuglants. Il y en avait partout. Tous convergeaient vers un même point : les eaux brunes et tueuses de la rivière mara. Le plus étonnant était qu’hier soir, mis à part une famille de lions façon carpette et une poignée de vautours se partageant le reste d’une carcasse de zèbre, nous n’avions rencontré dans cette plaine aucun animal. Rien ne laissait présager, du moins pour nous, la venue de tous ces gnous. Rien, sauf peut-être nos carpettes de la veille qui, selon toute vraisemblance, attendaient patiemment que le festin vienne à eux.
Les Gnous, d’un pas lent, au rythme de l’herbe verte des pâturages, proies faciles pour les prédateurs, depuis l’aube de leur création, transhument entre la Tanzanie et le Kenya, tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre (encore une histoire de frontière sans aucune logique naturelle). Dans ce perpétuel va et vient le plus grand défi est pour eux la traversée de la rivière mara. Une sympathique rivière infestée par de non moins sympathiques crocodiles qui n’hésiteront pas un instant de quitter sable chaud et parasols afin de puiser un octroi.
Pattes cassées et noyades seront aussi au programme.
Si, comme on le prétend, le gnou a le cerveau d’une puce, « moi je n’ai rien dit », il possède apparemment un sixième sens (un de plus que nous) capable dit-on, avant tout autre animal, de prévoir des orages lointains annonciateurs d’un eldorado.
Mesdames et messieurs de la météo… soyez sympas… prenez exemple.
Bon, c’est promis, je ne blaguerai plus sur cet étrange animal qui m’a donné l’occasion de t’écrire cette cinquante-sixième lettre.
P.S dans ces photos tu ne verras aucune image présentant un prédateur (crocodiles, lions, Hyènes et autres) se délectant d’un gnou. Je n’en vois pas l’intérêt.
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