Léa
Avant de te raconter mes suites vietnamiennes, je te propose une belle aventure que j’ai vécue dans les Hauts de Saintonge, quelques jours après ma rencontre avec les demoiselles du fond de mon jardin (lettre 5).
Image d’Epinal: << dans une ferme voisine un coq souffreteux vraisemblablement perché sur un tas de fumier, sans la moindre délicatesse, interrompe une nuit de songes où s’entremêlaient instants parfumés et journée à venir>>. Le jour, peine à se lever, nous aussi. <<nous>> nous sommes cinq. Cinq comme les cinq doigts de la main avec autant de différences que le pouce et l’auriculaire. Cinq photographes sur un domaine de huit cents hectares. Huit cents hectares de vallons, de plaines, de prairies, de bois et d’étangs à nous partager pendant une semaine comme un brie de Meaux de Melun de Nangis ou d’ailleurs. Sur cet immense fromage, merci Monsieur le corbeau, nous avons un rendez-vous que certains de mes compagnons ne manqueraient sous aucun prétexte: <<le brame du cerf >>. Pour moi, ce sera le premier.
Le brame est un opéra avec tous ses ingrédients.
Le coq ayant fini de cracher ses poumons nous pouvons distinguer dans le lointain des sons rauques, profonds, émis par des mâles en quête de femelles. Un réveil de la nature dans ce qu’il y a de plus primitif. L’innocente biche, pas si innocente que cela attend. Elle attend que vienne l’instant suprême où elle sera fécondable.
Pour les géniteurs aux bois impressionnants la compétition sera rude. Il n’y en aura pas pour tout le monde et les combats décideront du sort des plus téméraires. Les plus jeunes, les moins audacieux s’éloigneront dès les premières intimidations. Fautes de mieux, ils se contenteront de labourer le terrain.
Notre hôte, un chasseur émérite, nous a préparé un substantiel petit déjeuner. Il sait que nous allons pendant de longues heures, chargés de huit à onze kilos de matériel photo, devoir marcher, ramper, sans pour autant être certain de revenir avec l’objet de notre convoitise: <<un brame>>. Vêtus d’une tenue devant nous permettre de nous confondre avec l’environnement, chacun sur notre part de brie, nous partons à l’aventure. Nous nous retrouverons peut-être sur le chemin du retour, à l’heure du repas.
L’approche est délicate. Il faut progresser face au vent afin que l’animal ne sente pas notre odeur. Pour lui, depuis plus de 35000 ans, l’homme, quel qu’il soit – même le pauvre et sympathique photographe des temps modernes – représente un danger. C’est inscrit dans ses gènes.
La brume est épaisse. Seuls me guident les sons gutturaux et l’entrechoquement des bois.
En faisant très attention où je mets mes pieds afin de ne pas briser une quelconque branche morte je m’approche à pas de loup.
Derrière un bosquet, une silhouette se dessine. Je m’accroupis, je me fais le plus petit possible. Une gageüre. J’ose à peine respirer. Si je pouvais me fondre avec la nature et rentrer dans la terre je le ferais. La bête semble immense. Il tourne sa tête dans ma direction. M’a-t-il vu ? Je reste immobile et j’attends. J’attends de longues minutes, je suis fébrile, mon cœur bat comme si j’avais couru une dizaine de marathons d’affilée. L’entend-il ? J’espère que non. Nous sommes à moins de cinquante mètres l’un de l’autre. Je suis certain qu’il se méfie. Le plus doucement possible je lève mon appareil photo. Ce dernier ne m’a jamais semblé aussi lourd. Chasseur à l’affut, l’œil rivé à l’oculaire du viseur, je reste immobile. Il faut qu’il m’oublie. Je n’aurai pas une seconde chance. Le simple bruit de mon miroir se redressant ou le moindre cliquetis peut suffire à le faire disparaitre.
J’ai fait ces acrobaties pendant une semaine. Une semaine certes physique, mais riche en émotions. Il m’est arrivé une fois de tomber sur une harde gigantesque. Je me serais cru en Afrique lors d’une grande migration.
C’est promis, l’année prochaine je recommencerai.
bonjour Daniel,
Majestueux. Qui n’a pas rêvé pouvoir approcher ces seigneurs des bois. Ta lettre à Léa nous a tenu en haleine jusqu’à…découvrir cette magnifique série de photos. Poésie, humour et bien sur talent sont toujours au rendez vous avec toi
amitié
Daniel
Bonjour Daniel,
j’ai adoré ton récit et la belle rencontre. J’ai beaucoup aimé les photos. Bref, tout est bien dit et bien montré. Je suis content que tu as ressenti le coeur qui battait un peu plus vite lors de la première rencontre. Je me souviens aussi de ma première fois. C’était magique. Tout ce que tu décris, je l’ai vécu mais j’avais oublié. Merci de me rappeler ces moments intenses des premières rencontres.
Nous avons passé une merveilleuse semaine pleine de sérénité, de calme et de quiétude. Merci pour ce beau témoignage poétique.
Amités
Amar
Merci Daniel, pour ce magnifique texte, plein de poésie, d’humour qui, moi aussi, m’a tenu en haleine. Et après que de belles photos!!!bravo Daniel
Daniel,
Tes photos sont tout simplement maginifiques.
Valérie
Toute la Beauté de l’automne ressort dans ces clichés emprunts de l’atmosphère chère aux romantiques du 19ème siècle.
Une grande évasion pour les citadins.
Stéphane